« C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé, c’est par nos péchés qu’il a été broyé », ainsi s’exprime le prophète Isaïe dans le chant du Serviteur que nous avons entendu dans la première lecture. La passion selon saint Jean, que chaque année l’Église nous donne d’entendre en ce jour du Vendredi Saint, nous révèle jusqu’où le service conduit lorsqu’il est vécu comme un véritable don de soi. Dans le service, nous sommes conduits jusqu’à la croix.
Cette dimension du service peut éventuellement nous toucher, nous étonner, nous révolter ou même nous émerveiller. Dans l’histoire de l’Église nombreux sont les exemples connus ou inconnus qui nous montrent la vérité de cette dimension du serviteur qui porte sur lui la misère de l’autre l’aidant ainsi à se relever et à retrouver sa dignité d’homme. Oui, Jésus est vraiment le Serviteur du Seigneur et serviteur de l’homme car il a porté sur lui nos péchés, notre souffrance, et cela d’une manière réelle et concrète. L’Évangile est très précis sur ce fait !
En même temps, chers frères et sœurs, cette dimension du service du Seigneur peut nous interroger : « Comment se fait-il que Dieu puisse aller jusque là ? » Le Pape, Benoît XVI, dès le début de son encyclique Caritas in veritate, donne un élément de réponse très fort. Écoutons-le : « L’amour dans la vérité (Caritas in veritate), dont Jésus s’est fait le témoin dans sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa résurrection, est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. L’amour – « caritas » – est une force extraordinaire qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix. C’est une force qui a son origine en Dieu, Amour éternel et Vérité absolue » (n° 1).
Oui, Dieu nous aime au point qu’il s’est fait pleinement le serviteur de la vérité et de l’amour. Par son incarnation et par toute sa vie, Dieu, en Jésus-Christ, se fait l’un de nous désirant partager les conséquences de la profondeur de notre misère et de notre péché, en se sentant lui-aussi abandonné de Dieu et implorant la soif de l’Amour. Lui, le juste, l’innocent, il a porté les fautes des coupables afin de leur donner la sentence de la miséricorde divine, rétablissant ainsi la paix dans les cœurs : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde » (Mt 25, 34).
À la suite du Seigneur, nous sommes appelés à nous mettre au service de l’homme. Cela nous mènera à la croix, c’est certain. Mais, comme le disait le Saint Curé d’Ars : « La croix est l’échelle du Ciel ! » Alors, n’ayons pas peur d’être au service de la vérité et de l’amour de l’homme et de sa dignité inviolable depuis sa conception jusqu’à se mort naturelle. Osons être des artisans de la civilisation de la vie où l’homme ne se met pas à la place de Dieu et ne s’arroge pas le droit de vie ou de mort sur autrui.
Chers frères et sœurs bien-aimés, cela nous coûtera, c’est certain. Mais n’oublions jamais que le Christ est passé par la mort pour nous donner d’entrer dans la vie. Portons nous les uns les autres dans un OUI qui soit authentique et vrai. « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : "Femme, voici ton fils." Puis il dit au disciple : "Voici ta mère." Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui », nous dit l’évangile. Alors avec Marie, n’ayons pas peur d’avancer sur ce chemin escarpé mais libérateur des témoins de la vérité. Dans le cheminement de foi qui est le sien, Marie nous montre que rien n’est impossible à Dieu et que « rien ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rm 8, 39). Soyons, pour le monde, les témoins de cette Espérance, dans le service de l’homme.
Amen.