"Heureux dans la maison du Père !"
L’abbé Gay avait peu de don extérieurs. « Sa mauvaise vue, sa voix mal timbrée, sa gaucherie dans les manières le préparent mal à paraître en public, à s’imposer dans une réunion, encore moins à prendre la parole et en chaire. Et cependant, ceux qui assistèrent à l’un de ses cercles d’études furent frappés de l’autorité avec laquelle il expliquait, par exemple, une page d’Évangile. De même, ses sermons, un peu ternes au début, intéressèrent vite l’auditoire par la richesse et la profondeur de leur doctrine. »
En faut, l’abbé travaillait beaucoup, fidèle à la règle qu’il s’est imposée. c’est pourquoi, chaque matin il se ménage du temps de travail intellectuel. Il écrit ses interventions et c’est seulement à la fin de son ministère à Nantua qu’il arrive à prendre la parole en public sans avoir à tout apprendre par cœur. Il ne négligera jamais la préparation minutieuse d’un catéchisme ou d’une réunion d’Action Catholique.
Pour ces préparations, il se documente avec fidélité. On retrouve dans sa bibliothèque des ouvrages de philosophie, d’histoire, de géographie, de science, de doctrine spirituelle, ou encore des documents pontificaux. Il aime remonter aux sources.
Fidèle dans son travail, l’abbé Gay l’est aussi dans ses exercices de piété. « Les paroissiens de Nantua n’ont pas tardé à remarquer avec quelle régularité leur vicaire faisait quotidiennement sa méditation à genoux, à l’église, et revenait dans la soirée passer de long instant auprès du Saint Sacrement. » De plus, il célébrait la Messe avec beaucoup de soin. « Pour moi, confiera-t-il un jour à un confrère, le moment de la Messe le plus saisissant, c’est après la Consécration, lorsqu’on prononce : "Per Ipsum et cum Ipso, et in Ipso" ; par le Christ, avec le Christ, dans le Christ : ce doit être la vie journalière du prêtre. »
Dans la spiritualité de la Messe, il avait bien compris toute la dimension communautaire. Être uni au Christ, c’est être uni à l’Église entière !
« Si l’Abbé était exigeant pour les autres en luttant sans cesse contre les déformations d’une piété trop individualiste, il ne faut pas s’étonner qu’il ait rêvé pour lui-même d’une vie plus communautaire que celle du clergé séculier. » Alors qu’il aurait voulu entrer chez les bénédictins, l’abbé Gay entra en 1941 dans la Société des Prêtres du Sacré-Cœur, association de prêtres séculiers qui s’efforcent de concilier les exigences du ministère pastoral avec les principes essentiels de la vie religieuse.
« Il faudrait que nous, prêtres, nous fussions des saints. » Pétri par cet idéal, il avance avec une confiance filiale en Dieu Notre Père. « Dieu est notre Père ; nous n’y pensons pas assez. Que notre abandon soit donc filial, confiant entre ses mains. Pour rendre gloire au Père, soyons d’autres Christ avec l’aide de l’Esprit Saint. »
Il avait une grande dévotion mariale. Cette place de Notre Dame dans sa vie l’aidait dans ses dispositions de filial abandon. « Pour réciter son chapelet, disait-il, point n’est besoin de se mettre à genoux, ni de posséder un chapelet. j’aime beaucoup le dire en allant faire, à bicyclette, le catéchisme aux Neyrolles. Rien de plus simple : on appuie les doigts, les uns après les autres, sur les poignées du guidon. »
Au service de tous
« Tout ce qui vient d’être dit sur la vie intérieure de l’Abbé Gay, à Nantua, laisse deviner facilement ce qu’on pourrait appeler "la manière", dont il a dû exercer son ministère. On comprend sans peine que dans toutes les œuvres dont il a eu à s’occuper, jamais il ne se soit contenté d’une perfection extérieure, somme toute facile à obtenir. Il était trop surnaturel, trop uni à Dieu pour tout dire, pour ne pas viser plus haut que les succès faciles et fragiles, encore moins pour rechercher ceux qui donnent à leurs auteurs une éphémère popularité. Toujours, il s’est dépensé sans compter pour procurer le bien des âmes. Mais il était trop éclairé pour ne pas se rendre compte que tout peut servir au bien spirituel de celui qui en bénéficie. Aussi sa charité, toute surnaturelle en ses intentions, sut-elle imaginer mille moyens de se manifester. »
Ce fut un directeur d’âmes très apprécié, plein de bonté et compréhensif. Il était exigeant et délicat. Il invitait à ne pas tomber dans la torpeur ou l’insouciance, tout en rétablissant les situations parfois difficiles.
Il était très serviable vis-à-vis de se confrères, se mettant à leur disposition et aidant les nouveaux curés qui arrivaient dans le secteur. Il se proposait aussi à les remplacer en cas de nécessité et n’hésitait pas à aller visiter celui qui était isolé. Il aimait aussi les temps de détente et les réunions fraternelles qui groupent les prêtres du doyenné de Nantua.
Il sera un grand ami des malades. Il se donne avec dévouement auprès de ceux qui souffrent et visite avec le sourire les personnes résidant à l’hospice de Nantua.
Sa charité sera aussi en acte. Il donnera le peu qu’il a. « Prenez vite ma décade, disait-il un jour dans une famille dont le fils était en stalag, si je la gardais un jour dans ma poche, je serais bien capable de l’entamer. » Ainsi, il distribuait sa ration de charbon, son argent personnel dans le but de venir en aide à ceux qui étaient dans le besoin. « Une indiscrétion involontaire permit un jour à un visiteur de jeter les yeux sur la feuille de ses dépenses, qu’il préparait pour rendre compte à son supérieur religieux de la gestion de sa bourse. On pouvait lire : pour les œuvres diocésaines : 3000 frs ; dépenses personnelles : 100 frs. La proportion ne laisse pas d’être significative. »
Avec sa famille, l’Abbé Gay a une relation épistolaire régulière en s’associant à leurs joies comme à leurs peines. Il est heureux de pouvoir célébrer les premières communions de l’un ou l’autre de ses neveux. Mais, tout en s’intéressant à aux événements de leur vie, l’Abbé demeurait toujours tourné vers le souci d’un devoir supérieur.
Vis-à-vis de son oncle, l’Abbé Gay lui manifeste souvent son affection reconnaissante. Peu après son arrivée à Nantua, il a la joie de le voir se rapprocher de lui. M. le chanoine Ginod devient curé d’une petite paroisse du Bygey et souvent désormais, au lendemain des fêtes surtout, son neveu se fait une joie d’alle rle surprendre dans sa solitude de Mérignat.