« Quand la lumière est venue dans le monde... », ainsi parle Jésus dans l’Evangile de ce dimanche. L’image de la lumière occupe une place de premier plan dans l’Évangile de Saint Jean. Ici, dans ce passage d’Évangile, Jésus est purement et simplement identifié à la lumière. « Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière » ; on se souvient de cet autre passage célèbre : « Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. »
L’effet le plus immédiat de la lumière c’est d’éclairer, mais quand la lumière est trop vive, elle aveugle ! Quand, au contraire, elle est trop faible, elle ne chasse pas l’obscurité ! La nuit demeure. Ainsi, lorsque la lumière de Dieu a voulu se manifester à nous, elle a pris le chemin de l’Incarnation, c’est-à-dire la route par laquelle la lumière est comme tamisée, c’est-à-dire ni trop vive, ni trop faible, mais adaptée au regard humain. Ainsi, Jésus est venu partager notre condition d’homme. Jésus a vécu parmi nous !
Comment, aujourd’hui, sa lumière nous atteint-elle ? Comment éclaire-t-elle nos existences ? La réponse est simple : c’est l’Évangile ! Et, de fait, les paroles de Jésus sont une boussole ; elles donnent à nos vies une direction, elles nous indiquent comment marcher sur la route de l’existence. Il suffit de nous souvenir d’elles, de les accueillir et de les mettre en pratique... Mais quand on en fait la liste, même incomplète, on est saisi par l’amplitude de ce qu’elles attendent du disciple du Christ ! En voici quelques unes, énoncées hors de leur contexte :
Nul ne peut servir deux maîtres : Dieu et l’argent.
Ne te donne pas en spectacle.
Que ton "oui" soit "oui" ; que ton "non" soit "non" !
Pardonner 70 fois 7 fois.
Laver les pieds de ses frères.
Commence par retirer la poutre qui est dans ton œil, avant de retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Tout homme qui a de la haine contre son frère est un meurtrier.
Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous.
Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux !
Réjouissez-vous quand on dira toute sorte de mal contre vous à cause de moi.
Si ta main, ton œil te poussent au péché, coupe-les.
Ne te préoccupe pas du lendemain.
Va d’abord te réconcilier avec ton frère.
Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne de moi.
Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre.
A quoi sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme !
Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice.
Les premiers seront les derniers.
A celui qui a beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé.
Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Et nous pourrions poursuivre !
Les livres des Évangiles sont très courts. Ce ne sont pas des volumes de 500 pages : seulement quatre petits livres d’environ 50 pages chacun. Mais d’une densité extraordinaire. Aussi, quand on rassemble ces paroles, elles agissent sur nous comme une lumière aveuglante. Car, qui d’entre nous peut les mettre vraiment en pratique ? Leur lumière est trop forte ! Elles sont comme le sommet d’une montagne inaccessible ! Beaucoup sont tentés de se détourner : ce n’est pas pour nous ! C’est trop élevé !
C’est alors que nous devons revenir à l’Évangile d’aujourd’hui. « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par Lui, le monde soit sauvé ! » La lumière dont Jésus est le foyer est destinée à nous sauver, à nous tirer de l’abîme. D’autres passages de l’Évangile le confirment. Jésus a dit : « Je ne suis pas venu pour les bien portant, mais pour les malades ! » Ainsi, nous ne pouvons pas nous laisser aller au découragement ! Certes, ces paroles peuvent nous aveugler, tellement elles sont lumineuses et fortes, tellement leur exigence dépasse notre faiblesse... Mais la source d’où elles surgissent est empreinte d’une grande bonté, d’une profonde bienveillance.
Rappelons-nous que la plus profonde symbolique du christianisme, c’est la Croix ; la Croix sur laquelle gît un cœur transpercé et qui avant de mourir a prononcé ces quelques paroles : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font. » Dans la plus injuste des condamnations, c’est le pardon qui triomphe ! c’est-à-dire l’Amour bienveillant.
Cette lumière de l’Évangile, qui éclaire nos existences, est destinée à engendrer en nous la confiance, c’est-à-dire une vertu qui, à la fois, confirme la Vérité de l’Évangile, la maintient comme la lumière irremplaçable qui éclaire notre route et qui nous fait reconnaître que nous lui sommes infidèles ; et, en même temps, elle ne nous jette pas dans la désespérance, parce que Celui qui nous éclaire nous regarde avec une bienveillance sans limite !
La confiance ! Nous sommes encore ramenés à l’Évangile d’aujourd’hui : « Tout homme qui fait le mal déteste la lumière. » Quand on fait le mal, en effet, on rejette la lumière et on est pris du désir de la fuir. Mais quand nous sommes dans un climat intérieur de confiance, nous pouvons bien reconnaître que nous avons fait le mal, et cependant nous demeurons dans l’amour de la Lumière ! Parce qu’en elle se trouve notre salut. La confiance permet de se reconnaître faible sans désespérance, parce que la lumière est une Personne aimante. L’Évangile de ce dimanche le rappelle : « Celui qui croit, échappe au jugement . »
Un grand acteur de cinéma, Michel Serrault, mort il y a quelques années écrivait : « Entre vos mains, Seigneur, je remets mon incapacité à comprendre et à vivre certaines heures. J’ai perdu une de mes filles, à 19 ans... Je ne comprends pas... Mais je partage cette incompréhensible souffrance avec les millions de personnes dans le monde qui perdent leur enfant. Je fais partie des humains qui pleurent. Je crois, mais je ne comprends pas toujours Dieu. Dieu est Amour, et des enfants se tuent en voiture. Il est Amour, et il y a le Rwanda. C’est le grand mystère. Je laisse ça avec un immense point d’interrogation. Je reste sans réponse devant la mort des innocents, mais j’affirme : Dieu est Amour, c’est la clé de tout. »
Aux jeunes des JMJ, le pape Jean-Paul II avait déclaré : « La plus petite flamme qui vacille dans l’obscurité soulève le lourd manteau de la nuit. » Lumière fragile et pourtant radicalement différente de l’obscurité ! Un tout petit point lumineux... mais que l’on voit de loin ! L’audace est de ne pas le dissimuler, si minuscule soit-il ! La confiance est de vivre de lui, si fragile soit-il !
Jésus a dit : "On ne met pas une lampe sous le lit ; au contraire, on la met sur le lampadaire et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison." La con¬fiance ne craint pas les ténèbres, puis-qu’elle est née de la Lumière ! Par sa nature, elle porte nécessairement la trace indélébile de son origine, sinon, elle ne serait plus "la con¬fiance". Et la confiance... c’est la vie qui continue et s’épanouit !
† Père Guy Ba¬gnard
Évêque de Belley-Ars