Il doit être comme le sel qui a de la saveur et comme la lumière qui est faite pour éclairer et non rester cacher. A la fois sel et lumière, « en voyant ce que vous faites de bien, ils (les hommes) rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ».
Méditons quelques instants sur ces deux images du sel et de la lumière.
Le sel est ce qui donne de la saveur aux aliments, mais de plus, à l’époque de Jésus, le sel permettait de conserver ces aliments. C’est pourquoi, lorsque le sel s’affadit, il ne sert vraiment plus à rien. Il en résulte que le disciple du Seigneur, par nature, est appelé à donner de la saveur à la vie quotidienne tout en lui donnant une plénitude de sens. Aussi, Jésus nous engage à ne pas être fades ou ternes. Ne soyons pas des « chrétiens de pâtisserie », pour reprendre une expression du Pape François. Mais ayons de la consistance en vivant en étant en vérité avec ce que nous dit l’évangile.
La lumière nous permet de voir et d’avancer dans la nuit. Certes, au temps de Jésus, il n’y avait pas de lampe partout, mais essentiellement des torches ou des lampes à huile qui donnaient une lumière vacillante. En même temps, on ne pouvait pas mettre quelque chose dessus pour la masquer, la cacher. Aussi dès que la lampe est allumée, elle se voyait au loin. Il en va de même pour le fidèle du Christ. Ainsi qu’a pu le dire le Saint Père : « Le chrétien ne répète pas le Credo par cœur comme un perroquet et ne vit pas comme un éternel ‘perdant’, mais il confesse sa foi tout entière et il a la capacité d’adorer Dieu, en faisant ainsi s’élever le thermomètre de la vie de l’Église ». C’est pour cela qu’il est appelé à être une lumière pour éclairer les nations païennes !
Chers frères et sœurs, nous avons pu prendre ces images l’une après l’autre ce qui nous donne d’entrer dans une connaissance de ce que le disciple du Christ est appelé à vivre. Le sel nous dit clairement que le chrétien ne peut être fade et qu’il doit donc se donner les moyens pour ne pas le devenir. La lumière vient nous révéler que par la confession de sa foi, le fidèle du Christ éclaire la vie de l’Église et, par elle la vie du monde.
Mais en même temps, il y a dans ces images une réalité paradoxale. En effet, le sel est ce qui se cache dans les aliments, alors que la lumière est faite pour être visible, pour être vu de tous. Ainsi, en va-t-il pour le chrétien. Il y a une double dimension dans sa vie missionnaire : être à la fois enfoui mais présent, tout en étant visible et respectueux. Véritable paradoxe dont il n’est pas toujours facile de tenir ensemble les deux pans. Seul un profond attachement au Christ permet de vivre cela. En effet, Jésus nous envoie en mission à la fois comme sel et lumière. Et c’est pourquoi saint François de Sales a pu dire : « Ne parle du Christ que si on t’interroge mais vis de telle manière qu’on t’interroge ! » C’est une phrase vraiment forte de l’évêque de Genève mais qui nous rappelle le rôle du « sel de la terre ». Et sainte Bernadette a pu répondre à l’abbé Peyramale, son curé : « Je ne suis pas chargé de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire ! » Manière pour la voyante de Massabielle d’être véritablement « lumière du monde ».
Chers frères et sœurs bien-aimés, après avoir entendu l’invitation de Jésus d’être « sel de la terre » et « lumière du monde », n’ayons pas peur et mettons-nous à l’école du saint Père qui a pu dire dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium : « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : ‘Donnez-leur vous-mêmes à manger’ (Mc 6, 37) ».
Amen